“Le paysage structure l'espace public de la commune”
Patrick Barbier, maire de Muttersholtz (67), a fait des choix paysagers forts dans lesquels le végétal tient une large part. L'objectif est de favoriser la mixité d'usage de l'espace public tout en renforçant la sécurité routière au coeur de cette cité alsacienne très attachée aux valeurs environnementales.
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Écologiste ! Oui, il l'est, le maire de Muttersholtz, en Alsace. Patrick Barbier est un militant de la première heure et a été président de la fédération Alsace Nature. Mais ses engagements ne se limitent pas à l'écologie, il est d'abord humaniste. Aussi, pour son premier mandat de maire, actuellement en cours (et quatrième mandat au sein du conseil), quand la municipalité a empoigné le dossier de l'aménagement routier, c'est tout naturellement qu'il a donné la priorité aux plus vulnérables en termes de sécurité routière : à savoir les piétons et les vélos. L'objectif est aussi de favoriser un partage de l'espace entre les différents usagers de la rue, dans le respect d'un « code de la rue » que chacun doit se réapproprier.
À la porte du Ried, Muttersholtz est passée de 1 700 à 2 000 habitants en quinze ans. Elle est très attractive : elle est située à 50 kilomètres au sud-ouest de Strasbourg (67), elle est très bien desservie par le réseau routier et les transports en commun, et elle conserve un paysage préservé. Le Ried est d'ailleurs la région du Bas-Rhin qui croît le plus en population grâce aux prix abordables des terrains constructibles et à la qualité de vie qui y est offerte. Soucieuse du développement mené en matière d'environnement, Muttersholtz abrite d'ailleurs la Maison de la Nature du Ried et de l'Alsace centrale. Géré par l'intercommunalité, cet établissement forme un pôle attractif et éducatif destiné aux habitants – et notamment les enfants – comme aux touristes. Juste après les élections de 2008, la municipalité a toutefois souhaité mettre un coup d'arrêt à cette expansion pour rester fidèle à ses convictions. Par des zonages appropriés de protection dans le PLU (plan local d'urbanisme), il n'est plus possible de créer de nouvelles zones d'urbanisation sur la commune. Un dernier lotissement est en cours d'aménagement car il était déjà sur les rails, mais l'objectif actuel est de densifier l'habitat intra-muros. « Je crois au logement intermédiaire, aux maisons mitoyennes accolées à un petit jardin. Ici, la tradition n'est pas au vrai collectif, qui a du mal à trouver sa place. Nous avons donc mené une réflexion globale sur la ville et avons privilégié le paysage pour structurer l'espace public. Nous ne pouvons pas nous substituer aux habitants et imposer des normes, mais nous pouvons jouer sur l'urbanisme, l'organisation des quartiers, les circulations, l'architecture », explique Patrick Barbier. L'option d'une architecture moderne a d'ailleurs été prise pour les bâtiments collectifs comme dans le nouveau lotissement où les parcelles sont prévégétalisées et les eaux pluviales collectées à ciel ouvert dans un espace planté en végétaux hydrophiles.
Après les travaux de renouvellement des réseaux souterrains (conduites d'eau et d'assainissement, réseaux électriques et téléphoniques), les travaux de réaménagement de la voirie ont été l'occasion de repenser intégralement les circulations des usagers. Les élus sont opposés au contournement, d'une part parce que le milieu naturel autour de la commune est trop précieux et fragile (zones humides), d'autre part parce que le conseil général ne débloque plus d'argent pour concevoir des routes supplémentaires, afin de ne plus immobiliser de terres agricoles et d'espaces naturels supplémentaires.
« Concilier la circulation de 8 000 véhicules, dont 300 poids lourds, la sécurité routière, la vie locale et, notamment, le bien-être des piétons, des enfants sur le chemin de l'école, et la protection de l'environnement : tel est l'objectif que le conseil municipal s'est fixé en 2009. La demande de la population en matière de sécurité et de tranquillité est primordiale », souligne Patrick Barbier.
Des choix drastiques ont été faits : mise en place d'une zone limitée à 30 km/h pour une cohabitation pacifique sur 75 % de Muttersholtz et d'une zone de rencontre contenue à 20 km/h. Dans le périmètre où la vitesse est limitée à 30 km/h, la largeur de la chaussée a été réduite au profit des trottoirs, qui sont marqués par des revêtements clairs. Des aménagements ont été réalisés avec des végétaux dans des bacs, notamment des voûtes de plantes grimpantes. Des pieds de Polygonum sur des poteaux, reliés par des fils horizontaux, formeront des arches aux entrées de rue afin de rétrécir la vision, ce qui a pour conséquence de faire naturellement baisser l'envie de vitesse. La traversée du village, qui était très minérale, a été quelque peu végétalisée. L'originalité de cette végétalisation réside à la fois dans sa verticalité (« portes » créées par des plantes, guirlandes végétales) et dans sa possible mobilité : les végétaux sont placés dans de grands bacs, dont une partie est mobile. En cas de besoin, leur implantation pourra être modifiée ou adaptée. Et, dans le secteur à 20 km/h, des bacs à fleurs très massifs forment des chicanes ; du coup, la priorité est donnée aux piétons et aux vélos.
Des circulations piétonnières offrant des accès directs entre les différentes parties du village sont conçues dès que c'est possible. Et par le rachat de parcelles de terrain (quand l'opportunité se présente), la municipalité crée des passages qui n'empruntent pas les rues, mais relient les points cruciaux comme les jardins partagés, la maison de la culture, la crèche, les écoles... Les écoliers bénéficient quant à eux du « pédibus », un système conçu pour les regrouper et les accompagner à pied jusqu'à l'école.
« Le POS (plan d'occupation des sols, précurseur du PLU) avait déjà réservé des îlots verts dans le village, nous les mettons donc en espace public dès que nous le pouvons », ajoute Patrick Barbier.
Avec une zone Natura 2000 en plein coeur du village par rapport aux cours d'eau qui le traversent, la municipalité a une obligation de gestion écologique de ses espaces. « Nos cours d'eau sont d'origine phréatique. Ils sont constitués par des résurgences de la nappe. Nous avons en projet un grand programme de restauration avec des techniques végétales douces, du fascinage et des plantations d'arbres », détaille Patrick Barbier. Cependant, les abords et les berges sont la plupart du temps privés, la commune cherche à en acquérir pour en faire des espaces publics aménagés. « Les saules sont parmi les arbres emblématiques de nos paysages. Nous en avons replanté à l'entrée du village pour aménager les abords d'une ancienne centrale hydroélectrique abandonnée. Ils seront taillés en têtards pour rappeler l'identité de notre territoire. Et l'année prochaine, nous installerons des constructions vivantes en saule. » Les abords du terrain de football ont également été traités de manière naturelle par la plantation d'une trame verte constituée d'essences indigènes, plantées sur des talus, qui ne nécessiteront pas d'entretien régulier. Et globalement, aucun pesticide n'est utilisé à Muttersholtz.
Aujourd'hui, tous ces aménagements apportent la preuve qu'il est possible de concilier les usages variés de l'espace, que la sécurité routière peut s'appuyer sur l'aide du végétal pour renforcer son action et que la volonté politique est une des clés de l'aménagement concerté.
Cécile Claveirole
Une plantation de saules a été mise en place en bordure du terrain de foot, ce qui permet de limiter les travaux d'entretien.
La zone limitée à 20 km/h est matérialisée par des portes végétales.
Des bacs végétalisés ont été installés pour réduire la chaussée. L'espace est donc partagé entre les piétons, les voitures et les vélos.
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